Le cercle de Rangda

Catégorie
Instrument soliste et orchestre
1998
Compositeur(s)
Durée
18 min.
Effectif

pour piano et orchestre

Date de création
Programme

Le Cercle de Rangda

pour piano et orchestre (1998) – ca 20’

 

A l’origine de l’œuvre, un choc. Celui dese retrouver à nouveau confronté, au retour d’un périple asiatique, à la coursefrénétique de l’homme occidental des grandes villes. Toujours plus vite,toujours plus loin ! Sorte d’envoûtement des temps modernes, ritualisé àl’extrême, au point de substituer le futile à l’essentiel. Un désir : écrireune musique qui puisse caresser ces “nouveaux sortilèges” ; sans ménagerles bonnes ou mauvaises émotions qui nous traversent ; sans oublierl’espoir qui crée l’envie de sortir de nos enfermements.

 

Ensuite, le souvenir d’une musique aimée,étudiée et pratiquée sur le terrain en Indonésie, lors d’un voyage réalisé en1996 ; bribes de mémoires ravivées par la lecture de quelques notes jetéesdans un carnet de voyage. Celles liées à l’écoute du Calonarang, épopée représentée sous la forme d’un ballet : “Tombéede la nuit à l’orée d’un temple de Bali. Sonorités de gamelan percuté par desmusiciens frénétiques. Apparaît Mahendradatta,devenue par la force des choses Rangda,sorcière manifeste à l’apparence terrifiante. Cette femme, parce qu’ellepratiquait une obscure magie, fût reniée par son mari. L’exil la mena au coeurde la forêt, lieu de l’étrange et du merveilleux, où elle tourna ses talentsvers l’art de la destruction. Depuis Rangdafascine, envoûte ceux qui l’approchent. Les rites se reproduisent à l’infini etles êtres soumis ne cessent de courir, fiers de leur avancée foudroyante, pourfinalement se retrouver, inconsciemment leurré, à leur point de départ.Survient alors le Barong, créaturemythique, surnaturelle, envoyé des dieux pour lutter contre la sorcière etouvrir les yeux des hommes. Mais de ce combat violent, personne ne meurt, car dansla tradition balinaise (directement issue de l’Inde), il n’y a pas de luttepour le bien ; le “bon” n’est jamais vainqueur. Seul compte l’équilibre.Et sans Rangda, il serait impossibleà trouver...”

 

Surgit la musique. Le Cercle de Rangda n’est rien d’autre qu’un immense miroir brisépar le jeu des métaphores. Si cette “sorte” de concerto pour piano en unmouvement refuse toute référence directe à la musique balinaise, l’Orient n’enest pas moins indirectement présent. Par la lente fermentation qu’il a imposé àl’imaginaire d’un artiste qui ne cesse tendrement de le côtoyer. Par unematière musicale directement issue des sonorités de percussions indonésiennes,analysées par le biais de l’ordinateur et modélisées par la subjectivité del’orchestration. Enfin, par l’équilibre qui se cherche, pris dans un effrayantchassé-croisé entre l’introspection d’une substance sonore évoluantorganiquement et la virtuosité d’un soliste qui ne cesse de se retourner surlui-même, contaminant l’orchestre dans un jeu endémique de gestes récurrents,repliés inexorablement sur eux-mêmes. Heureusement, la dernière partie del’œuvre s’éjecte hors du Cercle. Le piano prend conscience de lui-même, sedémultiplie, joue avec l’espace et le temps pour se lancer dans un magmajubilatoire de cloches et de gongs imaginaires, chacun obéissant à une métriquepersonnelle affectée d’un souffle incessant imprégné de dilatations et decontractions. Un acte d’amour entre Occident et Orient ; Bali s’engloutitdans la lagune vénitienne ; ce qui n’empêche pas Rangda de nous faire plusd’un clin d’œil au passage...

 

L’œuvre est une commande des Amis del’Orchestre Philharmonique de Liège et fut créée en 1998 par Marcel Cominotto,piano, l’Orchestre étant placé sous la direction d’Alain Franco.


Articles complémentaires : 

"De la multiplicité des imaginaires culturels en musique", Marie Isabelle Collart (1998)

"A propos du Cercle de Rangda", Eric Mairlot (1991)


Audio