Lettre à Michèle Dulieu

Sous titre
Lettres à lettres
Catégorie
Duo
Musique pour cordes
Musique de chambre sans direction
2006
Compositeur(s)
Instruments
Flûte traversière
Violoncelle
Effectif

Flûte et violoncelle

Date de création
Programme

Lettre à Michèle Dulieu, écritesur le sonnet 43 de Shakespeare renoue avec les traditions de nombreusesmusiques ethniques dans lesquelles l’instrumentiste est son propre chanteur. Alorsqu’historiquement elle n’est apparue que très tardivement en occident, cettetechnique se retrouve dans de nombreuse cultures musicale de plusieurs régionsdu monde et existe aussi bien pour les instruments à cordes que pour lesinstruments à vent. La problématique principale de ces musiques a doncété : comment parvenir à chanter tout en jouant simultanément d’uninstrument. Généralement la voix est prédominante et l’instrument est à sonservice, c'est-à-dire que le chanteur est son propre instrumentiste. Maisl’instrument à toujours cherché à détrôner la voix en l’imitant et cela mêmelorsque instrumentiste et chanteur sont séparés. On retrouvera une part decette rivalité dans cette lettre, mais instrument et voix sont traités àégalité, l’un ne prenant jamais le pas sur l’autre.

 

Cela correspond également à macompréhension du sonnet de Shakespeare qui pour moi résonne particulièrement enregard de la psychanalyse en tant qu’il est une métaphore du désir par la recherchede la vision dans le pleine lumière réelle. Mais, la réalité est que les yeuxfermés voient le mieux, lorsqu’ils regardent vers l’intérieur, en dormant etdans l’obscurité. De là, au centre du poème, l’expression d’un désir de voir l’autre en pleine lumière : 

« Howwould thy shadow’s form form happy show

To the clear day withthy much clearer light,”

 

Cet état imaginaire agréable suscite le désir d'un au delàde cet état, vers le réel et non le songe. La musique tente de suivre cela, àl’obscurité et aux yeux fermés correspondent le souffle, les chuchotements etle texte dit, tandis que la lumière réelle tant désirée et inaccessible esttraduite par une musique sans texte qui tente de se libérer du chant.

On trouve l’endormissement et l’obscurité (souffle, chuchotementset texte dit) au début et à la fin du poème:

 

 When most I wink,then do mine eyes best see,

For allthe day they view things unrespected ;

But when Isleep, in dreams they look on thee,

And,darkly bright, are bright in dark directed ;

 

 

When indead night thy fair imperfect shade

Throughheavy sleep on sightless eyes doth stay ?

All days are nightsto see, till I see thee,

Andnights, bright days, when dreams do show thee me.

 

 

 

 

 

 

 

 

Puisle désir de clarté et son mouvement (instrument et voix mélés) se trouvent, ànouveau symétriquement, dans les vers qui suivent :

 

Then thouwhose shadow shadows doth make bright,

How wouldthy shadow’s form form happy show

 

 

How would,I say, mine eyes be blessed made

By lookingon thee in the living day,

 

Ils correspondent à un élargissement spectral et à unetentative de sortie du souffle par des sons plus précis donnant à entendre voixet instruments imbriqués et emmêlés.

 

Puis le troisième état désiré mais non présent et nonaccessible correspondant aux deux vers centraux est une sorte de mélodiespectrale chantée dans la flûte et avec le violoncelle :

 

 How would thy shadow’s form formhappy show

To theclear day with thy much clearer light,

 

Ce centre du poème est le pluslumineux : la musique est alors seule sans texte, seuls subsistent  les accents toniques du texte.

 

 

Ainsi à l'inverse d'une traduction qui ne garderait que lesens, j’ai tenté de mettre le sonnet en musique en ne gardant que la musiquequ’il fait résonner en moi. La métaphore du désir par la pleine clarté réelle devenantcelle de la pleine musique, une musique affranchie du sens du texte. Ainsi laforme de l’œuvre ne suit pas directement celle du sonnet.

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