A garden

Catégorie
Musique de chambre sans direction
1998
Compositeur(s)
Durée
18 min.
Effectif

pour quintette à vents

Comment
Commande de l'ensemble Ictus
Date de création
Programme
I. Ground
II. Lili Marlene
III. Huitzilopochtli
IV. Chrysanthemum haradjanii
V. Microcosmos

"Que la mort me trouve plantant mes choux, mais insouciant d'elle et encore plus de mon jardin imparfait" [Montaigne].

Pour la première fois dans mon travail, et ce de manière délibérée, j'ai composé A garden sans idée préconçue de la forme. En contraste total avec ma précédente approche de la musique de chambre, et en particulier Neurosuite [trio à clavier], où la recherche d'intégration formelle m'amenait à définir des conditions non sérielles d'adéquation forte entre micro- et macro-structure, A garden est une écriture de nature associative appliquant des processus simples et de versatilité réduite à une matière choisie pour ses qualités purement sonores. Il en résulte une collection de cinq pièces brèves: j'entends donc "brèves", indépendamment de leur durée, comme qualification de leur immédiateté formelle.

Cela n'empêche pas la composition de se disposer selon un plan précis qui s'éclaire si l'on sait que Lili Marlene est aussi le nom d'une rose et que Huitzilopochtli est le dieu aztèque du soleil de midi. Il s'agit, en un sens, d'une libre autobiographie jardinière ante mortem: du sol aux vers en passant par quelques efflorescences colorées sous la brûlure du soleil. On comprendra, j'espère, que le projet n'est pas descriptif [!], mais enfin, un certain symbolisme ésotérique, que je ne renie pas, transparaît dans ce parcours contemplatif teinté d'humour noir.

L'hétérogénéité potentielle du timbre, des dynamiques et des possibilités techniques des différents instruments qui composent la formation en quintette à vents a été, au-delà des restrictions qu'elle impose a priori, une grande source d'inspiration et de recherche. J'ai encore accru cette palette instrumentale en commençant la pièce avec les sonorités les plus graves [flûte en sol, cor anglais et clarinette basse] pour évoluer peu à peu jusqu'à la pleine lumière [mais en réservant l'usage du piccolo pour l'extrême fin]. Sans constituer à proprement parler des solos accompagnés, les différents mouvements favorisent tour à tour au moins un instrument spécifique, soit que celui-ci soit clairement mis en avant, soit que l'écriture d'ensemble soit calquée sur lui. Pour prendre l'exemple le plus évident, parce que redondant, le quatrième mouvement n'est pas seulement une longue mélodie confiée à la clarinette, c'est aussi une harmonisation spectrale prenant le timbre de cette même clarinette comme modèle.

Voici, pour finir, quelques clefs ou jeux de mots supplémentaires, en vue d'une élucidation plus fine de l'articulation de la pièce. Ground, c'est le plancher des vaches, mais c'est aussi le nom d'une forme musicale exploitant le principe de la basse obstinée. La fin de Lili Marlene est une citation cachée de la chanson immortalisée par Marlène Dietrich. Le chrysanthemum haradjanii est une fleur au feuillage incroyablement divisé et d'un gris argenté presque impalpable; son nom à consonance hindoue et le rituel auquel elle participe ne sont pas étrangers à sa présence ici. Microcosmos est peut-être une référence à Bartók, mais bien plus volontairement au film produit par J. Perrin: après tout, les insectes sont notre plus sûr avenir.

JEAN-LUC FAFCHAMPS (source : Ars Musica)